Quelques minutes avec… Raphaël Sanchez

Raphaël Sanchez est le directeur musical du Roi Lion. Chaque soir ou presque – il a deux assistants pour l’épauler – il dirige toutes les parties musicales et « tient » sous sa baguette 60 personnes : les solistes, le chœur et l’orchestre du Roi Lion.

Le Rapport du Matin a eu la chance de le rencontrer le mardi 22 janvier 2008, quelques minutes avant le spectacle.

Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre aux question du Rapport du Matin. Nous allons commencer par une question que de nombreux spectateurs se posent : l’orchestre du Roi Lion est-il vraiment nécessaire – on ne le voit même pas ? Pourquoi ne pas utiliser plutôt une bande-son ?

© Sébastien / Le Rapport du Matin

Raphaël Sanchez : La question serait plutôt à l’envers, pourquoi est-ce qu’il y a des bandes-son sur d’autres spectacles ? Et pourquoi les danseurs ne seraient-ils pas en hologrammes ? Voici la vraie question !

La partition qui est jouée à Paris est-elle différente de celle de Broadway ?

Raphaël Sanchez : C’est la même partition. Il y a juste de toutes petites retouches qui sont des clins d’œil au public français…

Chaque soir, vous interprétez la même partition : c’est du pilotage automatique ?

Non, chaque soir, le spectacle est différent. La seule chose conservée, c’est le tempo. L’énergie de chaque spectacle dépend des comédiens sur scène, de tous les interprètes. C’est d’ailleurs quelque chose que l’on ne peut pas faire avec un CD, ce mélange impalpable, cette énergie, c’est l’essence même du spectacle.

Pouvez-vous nous présenter l’orchestre et la partition du Roi Lion ?

Raphaël Sanchez : Il y a 18 instrumentistes sur la partition, mais comme ils sont 3 par « poste », cela fait 50 instrumentistes environ. Voici les 18 musiciens présents à chaque spectacle :

  • un quatuor à cordes – donc 4 musiciens
  • un flûtiste ethnique
  • un contrebassiste qui joue aussi de la basse électrique
  • un guitariste électrique et acoustique, qui joue aussi du kalimba
  • un batteur qui joue aussi sur des instruments électroniques
  • un corniste – cor en fa
  • un tromboniste – trombone ténor
  • un tromboniste – trombone basse et tuba
  • un percussionniste dont marimba
  • deux autres postes de percussions
  • trois postes de clavier dont un seul joue les notes qu’il a sous les yeux. Les deux autres jouent des sons ou des mélanges de sons qui sont programmés. Ils peuvent par exemple jouer un do dièse et on entend une clarinette qui fait un arpège.
Les percussions - L'orchestre du Roi Lion
© Sébastien / Le Rapport du Matin

Comment faites-vous pour assurer une qualité musicale, particulièrement en raison du nombre important de doublures et d’intervenants ?

Raphaël Sanchez : Ma journée type ici, c’est 2 à 3 heures de répétition par jour en moyenne et le spectacle. Nous répétons quand c’est nécessaire : pour former les remplaçants par exemple. Quand on veut mettre de nouvelles doublures, on essaie de les grouper et on fait des répétitions avec l’orchestre. Aujourd’hui, j’estime que le spectacle est rôdé au niveau des musiciens, toutes les doublures et les « triplures » musiciens ont joué le spectacle. Pour les répétitions des doublures sur scène, je m’arrange à avoir les doublures de l’orchestre pour pouvoir entretenir le répertoire avec eux.
J’ai aussi pour habitude de donner des indications aux musiciens après ou avant les spectacles. Pendant le spectacle, je prends des notes sur les chanteurs comme sur les musiciens, et je leurs transmets ensuite.

Le travail n’est donc jamais terminé ?

Raphaël Sanchez : Jamais ! Cela fait partie de l’essence même du spectacle d’être un « work in progress » comme disent les anglo-saxons. Si l’on vient deux fois, on verra forcément une évolution !

La configuration de la fosse d’orchestre réalisée pour Le Roi Lion à Mogador ne vous permet pas de voir vos instrumentistes, c’est gênant ?

Raphaël Sanchez : Effectivement je ne vois pas les musiciens mais eux me voient sur un petit écran ! C’est extrêmement curieux… On s’y habitue mais cela a été une surprise un peu cruelle : je ne m’attendais pas à cela et pas à ce point là. J’ai vu le spectacle à Londres, on voyait les musiciens… On m’a dit que c’était pour des questions de sécurité, parce qu’on a besoin de trop d’espace par rapport à la fosse ouverte que l’on pourrait avoir…

Et vous arrivez malgré tout à faire passer des messages avec tel ou tel musicien ?

Raphaël Sanchez : J’arrive à faire passer des choses, parce qu’on a une gestuel différente par type d’instrument. Mais malheureusement, cela peut prêter à confusion et cela oblige donc à faire beaucoup de métrique, et moins de musique.

Vous avez dirigé un certain nombre de musicals présentées à Paris, pourquoi ?

Raphaël Sanchez : C’est un genre qui m’a extrêmement séduit dès que j’y suis entré.
Quand j’ai fait Cats en 1989, j’ai été extrêmement surpris. C’est un genre musical que l’on apprend pas en conservatoire, dont on ne parle pas, qui n’existe pas. C’est un genre sous-considéré dans le monde – entre guillemets – « sérieux » de la musique classique, sous-considéré dans le monde de la variété, sous-considéré dans le monde de la danse. Quand au monde du théâtre, je n’en parle même pas. Finalement, c’est un monde qui a ses propres lois, et qui est une sorte de synthèse d’un extrêmement haut niveau de tous ces mondes confondus.
On a d’excellents chanteurs, d’excellents danseurs, d’excellents comédiens qui mettent leurs talents au service d’un projet dans lequel ils doivent utiliser d’autres talents qu’ils maîtrisent moins. Le danseur doit savoir chanter et le chanteur doit savoir danser, c’est ça la loi dans une comédie musicale. La première chose que j’ai entendu aux auditions de Cats en 1988, c’était « untel est excellent danseur, on le veut », le superviseur musical répondait « je n’en veux pas » et le metteur en scène disait « on va lui apprendre à chanter », et vice et versa. En comédie musicale, on ne cherche pas un danseur type, un chanteur type : on cherche un charisme particulier.

Vous aimez donc ce genre, mais pourquoi avez-vous été choisi ?!

Raphaël Sanchez : Votre question est difficile ! (Rires) J’étais comme un poisson dans l’eau dans ce monde. Je n’ai pas cherché à y entrer, on m’a appelé à chaque fois !
On m’a appelé aussi pour Le Roi Lion. J’ai dirigé Chicago juste avant, et ils m’ont appelé alors que j’étais en tournée avec Le Cirque du Soleil aux États-Unis. Ils m’ont fait faire le voyage jusqu’à Londres pour voir le spectacle – et pour voir si on s’entendait bien !

© Sébastien / Le Rapport du Matin

Comment êtes-vous face au spectacle qui se déroule, face aux imprévus ?

Raphaël Sanchez : Je suis extrêmement paisible. J’ai beaucoup de plaisir à diriger et à faire marcher un spectacle comme celui-là. Je suis de l’école du cirque, du cirque traditionnel où l’on fait avec ce que l’on a. Même si le chapiteau s’écroule, il faut faire croire que c’était fait exprès. J’ai beaucoup d’appétit pour les imprévus – mais il n’y en a pas beaucoup ici, par rapport au cirque !

En ce moment, vous avez d’autres projets ?

Raphaël Sanchez : J’ai d’autres projets comme compositeur, je viens de signer la musique d’une série télévisée qui va passer sur le câble sur 13e Rue et qui s’appelle Temps Mort de James L. Frachon.
J’ai aussi un projet avec un long métrage pour lequel je croise les doigts !

Et bien bonne chance, bonne continuation et merci pour ces réponses ! Et excellente direction du Roi Lion dans quelques minutes !

Plus d’informations sur Raphaël Sanchez sur son site officiel www.raphaelsanchez.com