Quelques minutes avec… Stéphane Laporte – 2

Le musical Le Roi Lion actuellement au théâtre Mogador à Paris est une copie conforme au spectacle présenté à Broadway depuis 10 ans.

Pas tout à fait, car il se distingue en effet de la version originale sur deux points :
Le premier changement concerne les interprètes et les techniciens qui sont, pour la grande majorité, locaux et donc français. Le second changement concerne la langue puisque, comme dans tous les autres pays du monde, le spectacle est présenté dans la langue locale. Pas tout à fait en réalité puisque seul l’anglais a été traduit, les dialectes et autres langues africaines utilisés sont conservés ! C’est Stéphane Laporte qui a réalisé cette difficile opération qu’est une adaptation !

Le 23 avril 2007, Le Rapport du Matin avait déjà interviewé Stéphane Laporte, l’adaptateur-traducteur de la version française du Roi Lion. Le Rapport du Matin a de nouveau rencontré Stéphane Laporte lors d’une conférence de presse, la veille de la première, le 3 octobre 2007. Entre ces deux dates, l’adaptation a rencontré les remarques des équipes créatrices américaines, les artistes-comédiens français qui l’interprète ainsi que le public lors des avant-premières…

Après le premier travail de traduction, comment se sont passés les modifications de texte ?

Stéphane Laporte : Cela s’est fait très naturellement. Il y a certains mots qui étaient impossibles parce que la mise en scène, à certains moments, nécessite un mot particulier. Je n’avais vu le spectacle que deux fois à Londres en janvier, et on n’arrive pas à assimiler une mise en scène d’un spectacle de 2h30 en 2 représentations seulement ! Il a donc fallu modifier quelques textes et quelques paroles de chansons. Mais tout ça s’est fait tout naturellement.

Quel a été votre travail avec la musique ?

Stéphane Laporte : Je joue du piano donc je travaille à partir des partitions. Je fais en sorte que cela cadre en français comme cela peut cadrer en anglais. En faisant particulièrement attention aux fameux accents toniques qui sont complètement différents en anglais et en français. Si un accent tonique est mal placé en français, le spectateur va mal entendre ce qui est dit – du coup on va perdre la phrase et ne va pas entendre la phrase qui suit… Et cela fait boule de neige : un accent tonique mal placé peut fiche en l’air une chanson ! Donc il y a vraiment un travail à faire, je pense d’ailleurs qu’il est crucial d’être un petit peu musicien pour arriver à écrire des paroles.

Et donc vous allez jusqu’à écouter les sons ?

Stéphane Laporte : J’essaie au maximum. Prenons l’exemple de Rafiki qui est jouée par une artiste sud-africaine, comme dans toutes les productions du monde d’ailleurs. Elle ne parle pas français : j’avais écrit une première ouverture de Cercle of Life en français. Elle l’a apprise parce qu’elle est extrêmement consciencieuse et qu’elle est géniale – je ne sais pas si vous avez vu le spectacle, elle est inouïe ! – et en fait, elle avait un mal fou. J’ai donc réécrit le passage avec le moins possible de « an » et de « on » et, du coup, c’est plus facile pour elle. Je crois qu’il faut aussi tenir compte des artistes.

Combien de temps cela prend pour un travail comme cela ?

Stéphane Laporte : Cela m’a pris à peu près deux mois en début d’année et les répétitions après, donc environ 4 mois.

Quelle liberté avez-vous par rapport au texte original ?

Stéphane Laporte : Il y a beaucoup de références françaises qui, je m’en félicite, ont été approuvées par Disney. On peut trouver par exemple « Je suis malade » de Lara Fabian. On trouve aussi un cancan d’Offenbach qui remplace un charleston qui était dans le spectacle d’origine. Donc des références très franco-françaises, et ils les ont validées sans aucun souci.

Qu’est ce qui a été difficile ?

Stéphane Laporte : Il y a beaucoup de jeux de mots, et c’est un cauchemar pour l’adaptateur car un jeu de mot, cela ne se traduit pas… Il a donc fallu en trouver d’autres. Et cela m’a pris beaucoup de temps !

Il y a un personnage pour lequel l’adaptation a été plus difficile ?

Stéphane Laporte : Oui, les hyènes. Et je crois que dans tous les pays c’est pareil. Elle ont un genre un peu ghetto, donc il faut faire attention à ne pas tomber dans la caricature. Heureusement, l’interprète de Banzaï, qui est la hyène principale, vient du sud-ouest. Il a donc gardé l’accent de là-bas, et cela ne fait pas ghetto du tout…

Avez-vous eu des exigences à respecter par rapport aux paroles initiales ?

Stéphane Laporte : Oh oui ! Prenons l’exemple de la chansons d’ouverture « Cercle of Life » – dans le film « L’histoire de la vie » – Julie Taymor, la metteur en scène, a vraiment insisté pour qu’on trouve l’image du cercle car c’est un élément visuel très fort du spectacle. J’avais suggéré « La chaîne de la vie », « La ronde de la vie »… Rien à faire, il a fallu que cela soit « Le Cercle de la vie ». Il y a d’ailleurs certaines paroles qu’il a fallu intégrer à la version française, même si quelques fois, c’est un choix que je n’aurais pas fait !

Et justement, par rapport au dessin animé que tout le monde connaît, y-a-t’il des choses qui vont se ressembler ?

Stéphane Laporte : Si cela se ressemble, ce sera accidentel car je n’ai vu le dessin animé qu’après avoir fini l’adaptation – exprès –. Justement pour éviter qu’on puisse dire « il a pompé »… Et puis aussi parce que l’adaptation répond à des exigences différentes : Dans le dessin animé, il y a des labiales qui correspondent à ce qui est dit en anglais et qui doivent être approchées pour la version française. Dans le spectacle, ce qui compte par-dessus tout, c’est le message, et la correspondance avec le visuel. Je ne crois pas que cela aurait été pertinent de reprendre les paroles du dessin animé.

Quand avez-vous bouclé les dernières modifications ?

Stéphane Laporte : Hier ! Littéralement hier ! La veille de la première.

Et là, c’est sûr, c’est bouclé ?

Stéphane Laporte : Non ! (rires) Non, cela fait partie du service après-vente. Je vais intervenir régulièrement pour changer les petites choses qui fonctionnent moins bien que ce que j’espérais…

Et quel est le plus beau compliment que l’on peut vous faire sur le texte ?

Stéphane Laporte : Qu’on oublie que c’est une traduction. Ce qui me fait le plus plaisir, c’est de me dire qu’on a l’impression que l’œuvre a été écrite en français.

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